Jusque là, l’homme avait toujours pensé être fait de chair et de sang. Il s’était même assez peu posé la question de savoir exactement de quoi il était constitué. Il savait bien, en théorie, qu’un être se compose en grande partie d’eau, mais surtout d’organes, de nerfs, de muscles, d’ossements, de tout un assemblage d’appareils efficaces et sensibles à la rigidité variable. Il ne savait plus désormais en quoi il consistait et en quelles proportions. D’eau de mer, de cendres et de fumées, sans doute de poussière, très certainement de microplastiques. De minéraux, de feuilles et de fruits, de coquilles d’œuf, de fibres de coton, de lumière, d’attente, de peur et d’amour. D’angoisses. Depuis peu, il découvrait chaque jour de nouvelles angoisses, cachées toujours plus profondément, et leur accumulation se faisait de plus en plus invasive. Auparavant, il ne se rendait pas compte que vivre était une lutte en soi. Désormais, il ne voyait que ça. Il fallait qu’il utilise une portion considérable de son énergie simplement pour ne pas se faire happer par la mort, elle était maintenant toujours dans les parages. Elle pouvait surgir à tout moment, il devait toujours rester en alerte, au prix d’une fatigue nouvelle. Elle pouvait se manifester de bien des façons, il le savait, il n’était en sécurité nulle part, et c’était pour lui une inquiétude d’autant plus prégnante qu’elle pouvait aussi venir de l’intérieur.
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