Les sirènes


Je ne demandais rien, tu sais. Certes, le temps n’était pas au beau fixe : j’étais balloté de récif en récif par la tempête et je manœuvrais la barre tant bien que mal pour éviter de m’échouer, mais c’était devenu pour moi une habitude. Je n’attendais rien. Je n’attendais rien et j’ai vu dans le lointain les lueurs du port, et j’y ai accosté.

J’ai été accueilli par des femmes aux seins nus qui m’ont porté le lait, le miel et les fruits. Et les femmes aux seins nus m’ont abreuvé et nourri, elles m’ont enjoint à rester partager avec elles les bienfaits de leur île, elles m’ont invité à faire de leur foyer mon foyer et j’ai profité avec elle abondamment du lait, du miel et des fruits.

Puis un matin, elles sont venues vers moi, elles m’ont dit que je n’étais plus le bienvenu chez elles, que je devais désormais reprendre ma route. Elles ont repris le lait, le miel et les fruits, elles ont couvert leurs seins et leurs voix se sont faites moins douces. Elles m’ont raccompagné au port, elles ont chargé mon embarcation d’eau douce et de viande séchée et m’ont repoussé à l’eau.

Je ne demandais rien tu sais. Je navigue à nouveau de par la tempête comme je l’ai toujours fait, mais j’ai dans le cœur la mémoire du lait, la mémoire du miel et la mémoire des fruits tandis que Poséidon déchaîne sur mon esquif sa colère.


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