Ne fais pas ça, Garance


Je n’ai pas toujours bu les cendres mêlées d’eau des cendriers. C’est même la première fois que ça m’arrive. Ce n’est pas ce qui me définit, de même que manger des cigarettes n’est pas non plus ce qui me caractérise. C’est quelque chose de récent, et de bien involontaire de ma part. C’est plus fort que moi, c’est une addiction, et je suis bien consciente que c’est plutôt une mauvaise addiction, mauvaise pour ma santé et mauvaise pour mon image sociale bien que je pense que, pour le moment, personne ne s’en soit rendu compte. Je m’arrange pour que personne ne me voie, je sais bien que ce n’est pas normal. Je ne peux juste pas faire autrement. J’ai un blocage. Je n’arrive plus à fumer. C’est ça, mon véritable problème, je n’arrive plus à fumer mais je refuse de changer mes habitudes. Je refuse d’arrêter de passer au tabac pour acheter des cigarettes, mais dès que j’en coince une entre mes lèvres, je n’arrive plus à l’allumer, mes doigts ne sont plus capables d’actionner le briquet, et si on me tend une cigarette déjà allumée, je n’arrive plus à la mener à ma bouche. Mes coudes ne se plient plus, mes articulations se bloquent, je me tétanise, j’angoisse, mes pensées quittent ma tête et plus rien ne fonctionne. Mais, le reste du temps, je vais bien. Globalement, je vais bien.

Je retrouve mon équilibre depuis le départ de Justin. Je me retrouve moi-même. Je recommence à faire ce que j’avais mis de côté, et il y a tant de choses que j’avais mises de côté. Pas que Justin m’ait demandé d’arrêter, bien sûr, mais j’ai toujours eu l’impression de peser, alors j’ai dégraissé tout ce qui pouvait peser jusqu’à n’être plus qu’une personne transparente, inodore, silencieuse. Un fantôme qu’on traverse sans peine pour atteindre l’interrupteur situé de l’autre côté. Enfin, bien sûr que je ne me suis pas réduite à ça, bien sûr que je n’ai jamais cessé d’exister, d’être visible, présente, de me répandre dans l’espace restreint de notre appartement, mais si je l’ai fait, c’était de moins en moins. Et si je l’ai fait, c’était avec honte. Avec regret. Avec la culpabilité de m’imposer. Maintenant, je suis libre. Pas libre de Justin, bien que, d’une certaine façon, si, libre de Justin, mais ce que je veux dire c’est que je suis libre de tout ce que je m’étais imposé. Oui, je suis libre de Justin, c’est vrai, mais, ça aussi, c’est bien involontaire de ma part. C’est un tout, j’ai laissé les choses glisser et j’ai glissé avec, et pour remonter j’ai été contrainte de tout abandonner. Les choses s’étaient emmêlées, et Justin plus que toutes, coincé au centre, et je ne pouvais rien dénouer, je ne pouvais qu’emmêler davantage. Justin, c’est toi qui es parti, mais c’est moi qui ai tout fait pour, c’est moi qui ai architecturé notre monde de sorte à ce que tu ne puisses te diriger que vers la sortie. Et j’en suis peinée, triste, inconsolable, même, mais j’en revis, et je te présente mes excuses pour avoir mal fait tout ce que j’ai mal fait et n’avoir pas fait tout ce que je n’ai pas fait. Et je te pardonne d’avoir fait la même chose. Et je te félicite de n’avoir jamais fumé, c’est toi qui avais raison, regarde où j’en suis maintenant, la folle qui bouffe les mégots, j’en rirais si je n’en pleurais pas.

Balance, c’est septembre-octobre. J’ai rééquilibré mes plateaux en les bourrant de mégots, faut-il être con. Balance, c’est entre Vierge et Scorpion. Tout est à jeter de ce côté là. Tout est à jeter en astrologie de toute façon. Sauf les images. Les symboles, les formes, les couleurs. C’est folklorique, mais qu’est-ce que c’est con.


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